Parmi les risques de crises et de
conflits en Afrique, l’obsolescence du système sanitaire, les causes politiques
et l’injustice provoquent très souvent la colère d’une partie de
l’opinion. Les choses se compliquent
lorsqu’une simple maladie d'origine inconnue, comme celui qui se manifeste en
ce moment sur l'île de Sao Tomé où 1.094 cas ont été enregistrés pour une
population de moins de 200.000 habitants à cause d’un violent ulcère cutané,
sème l'inquiétude. La situation est d’autant plus préoccupante que les
autorités ont demandé le soutien de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)
qui vient de dépêcher un spécialiste béninois de l'ulcère de Buruli.
Et les décès hors du pays, de
plusieurs leaders Africains en est une autre preuve éclatante. On recense ainsi
une liste de chefs d’Etat du continent qui se soignent dans les hôpitaux
européens qu’ils considèrent comme meilleurs. Ceci constituant un véritable
aveu d’échec, et un témoignage que leurs propres systèmes de santé nationaux ne
sont pas performants.
La liste des chefs d’Etat
africains qui délaissent les hôpitaux de leur pays pour aller se soigner en
Occident est longue. Sans être
exhaustif, on peut citer, le président malien Ibrahim Boubacar Keita qui a été
opéré d’une « tumeur bénigne » à l’Hôpital militaire Bégin, à Saint-Mandé (Val-de-Marne),
en région parisienne, et son homologue ivoirien Alassane Ouattara qui s’était
fait opérer en 2014 à l’Hôpital américain de Neuilly, à l’instar du Gabonais
Ali Bongo Ondimba qui avait choisi, quelques années plus tôt, la clinique chic
de l’Ouest parisien pour y subir une intervention chirurgicale. Le Camerounais
Paul Biya, lui, se soigne à Genève où il réside une partie de l’année. Son
dossier médical est aux mains de médecins suisses, tandis que son épouse,
Chantal, préfère les hôpitaux parisiens. Il en est de même des chefs d’Etat
maghrébins dont l’Algérien Abdelaziz Bouteflika qui a longuement séjourné en
2013 à l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce, puis à l’Hôtel national des
Invalides pour sa rééducation. Il a effectué aussi en décembre 2015 à la
Clinique d’Alembert, à Grenoble, un contrôle médical.
Le plus surprenant, c’est le roi
Mohamed VI qui est venu en France en 2013 pour y subir une opération
chirurgicale alors que son pays reste une destination sanitaire privilégiée
pour de nombreux chefs d’Etat d’Afrique subsaharienne.
En délaissant les institutions
sanitaires de leurs pays pour se soigner à l’étranger, les autorités commettent
une faute ; et c’est la preuve irréfutable qu’ils n’ont pas réussi à bâtir sur
place dans leurs pays, un système de santé digne de leur confiance.
Si, dès qu’ils sont malades, même
légèrement, les présidents africains sautent dans l’avion pour Paris, Londres,
Lisbonne ou Madrid afin d’y recevoir des soins, c’est aussi parce qu’ils n’ont
pas favorisé chez eux le développement de l’expertise médicale nationale.
Ces chefs d’Etat, qui ne se
gênent pas pour aller se soigner à l’étranger, n’ont pas non plus érigé
l’acquisition du matériel médical en priorité de leurs actions. En 2017, il est
encore impossible, faute d’appareils, de pratiquer une IRM dans certains Etats
d’Afrique subsaharienne. Dans d’autres, il existe un seul appareil qui tombe
régulièrement en panne, pour cause de surchauffe ou de défaut de maintenance.
Enfin, les chefs dilapident sans
compter, les deniers de l’Etat. Mais se soigner à l’étranger est également une
énorme injustice envers le reste de la Nation. En effet, pendant que leurs
compatriotes sont condamnés à se rendre dans des structures de santé devenues
des mouroirs, les présidents africains eux prélèvent sans vergogne sur les
deniers publics pour aller recevoir des soins en Occident. Et c’est souvent une
affaire de gros sous : la facture d’hospitalisation d’un dirigeant sahélien à
l’Hôpital américain de Neuilly a grimpé jusqu’à 300 000 euros (180 000 000
FCFA), soit le budget de fonctionnement annuel de l’Hôpital de Birao, en
Centrafrique écrit Seidik Abba, Chroniqueur au journal Le Monde Afrique. De même, l’aller-retour d’un
avion médicalisé pour acheminer à Paris un ministre africain malade coûte 120
000 euros (72 000 000 FCFA), l’équivalent d’une vingtaine de bourses
d’études en médecine à Dakar. La faute politique et l’injustice expliquent
ensemble la colère d’une partie de l’opinion africaine.
Pour avoir fait le choix de
négliger les structures sanitaires de leur pays, convaincus qu’ils pourront
toujours être évacués vers les capitales occidentales, les dirigeants africains
ont mis le continent au sommet du palmarès mondial des présidents décédés à
l’étranger. On peut citer: le Zambien Michael Sata, décédé en 2014 à Londres,
l’Ethiopien Melès Zenawi, mort en 2012 à Bruxelles, le Bissau-Guinéen Mallam
Bacai Sanha qui s’est éteint la même année à Paris tout comme le Zambien Levy
Mwanassa mort en 2008 à Paris.
Le Nigérian Umaru Yar’Adua, se
sentant condamné, est quant à lui rentré d’Arabie saoudite en 2010, juste à
temps pour mourir parmi les siens.
De toute cette liste, les deux
cas les plus scandaleux sont ceux du Gabonais Omar Bongo Ondimba et du Togolais
Eyadema Gnassingbé. Le premier est mort en 2009 à Barcelone, en Espagne, après
avoir dirigé son pays pendant quarante-deux ans sans avoir eu à cœur de bâtir
un centre sanitaire dans lequel il rendrait son dernier souffle.
Le second est mort en 2005 dans
l’avion qui le transportait de Lomé vers une capitale occidentale après
trente-huit ans d’un règne au cours duquel il avait eu les moyens suffisants de
doter le Togo d’un centre hospitalier qui lui aurait permis de recevoir les
premiers soins avant son évacuation. Cela lui aurait peut-être sauvé la vie !
Plus de dix ans plus tard, les
chefs d’Etat africains ne semblent pas avoir tiré les enseignements de l’erreur
fatale d’Eyadema Gnassingbé. Hélas, ils continueront donc de mourir hors des
frontières nationales à l’exemple d’Etienne Tshisekedi wa mulumba, le leader
charismatique de l’opposition Congolaise qui vient de mourir à Bruxelles.
PETIT-LAMBERT OVONO
Consultant Sénior
Evaluateur Certifié Interuniversitaire
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